L’Astronomie à Montpellier au fil des siècles

Rédacteur: Henri Reboul


I – L’astronomie fondamentale et la mécanique céleste

Montpellier a une longue et continue tradition d’astronomie universitaire.

En 1610, quelques mois après les premières observations astronomiques de Galilée, un professeur de droit de Montpellier, Pacius (Giulio Placc de Beriga), observe avec une lunette (que lui a procuré son ancien élève Peiresc, lui-même élève de Galilée)

Dès 1682 une « chaire de Mathématiques et d’Hydrographie » inclue l’enseignement de l’astronomie. La « Société Royale des Sciences de Montpellier » dont l’astronomie est la principale activité est fondée en 1706. La chaire de Mathématiques et d’hydrographie de l’université est réunie en 1764 à la Société Royale des Sciences de Montpellier. On peut citer comme enseignants d’astronomie sur ce poste :

* Nicolas FIZES qui en 1689 publie les « Éléments d’Astronomie »

* Antoine FIZES (fils du précédent) et CLAPIES après 1718

* DANYZY (décédé en 1777)

* Hippolyte DANYZY (fils du précédent et conservateur de l’observatoire à partir de 1781)

L’exposition Regards sur les lumières a présenté en 2007 les instruments de l’observatoire de Montpellier au XVIIIe siècle

Après la suppression de 1793 (et la fermeture de l’observatoire), la ci-devant Société Royale des sciences se reconstitue en « Société Libre des Sciences et Belles-Lettres de Montpellier » dès 1796 et Hippolyte DANYZY redevient conservateur de l’observatoire de 1803 à 1809.

C’est donc tout naturellement que la « faculté des sciences » de Montpellier, créée en 1809, est dotée dès 1810 d’une chaire d’astronomie et que l’observatoire est rattaché à la faculté des sciences . Les universitaires reçoivent à partir de 1812 le matériel et les collections qui avaient été saisis lors de la révolution à la « Société Royale des Sciences » et notamment, pour ce qui concerne l’astronomie, le télescope Grégorien de 1770 et les pendules de Le Roy, équipement qu’ils complètent dans les années suivantes par les acquisitions d’un théodolite de Gambey, d’un chronomètre de Bréguet, d’une lunette achromatique de Cauchoix et, en 1879, du télescope de Foucault installé au jardin des Plantes. Une chaire de « mécanique rationnelle » sera créée en 1883.

En 1898, « Astronomie » est un des 10 certificats de licence de la faculté des sciences. Voici leur liste :

-* Astronomie
-* Calcul différentiel et intégral
-* Mécanique rationnelle
-* Algèbre supérieure
-* Physique générale
-* Chimie générale
-* Minéralogie
-* Zoologie
-* Botanique
-* Géologie.

En 1920 ou 1921 sont créés une chaire de « calcul différentiel et intégral et astronomie » et le certificat « Astronomie approfondie ». Le premier, « Astronomie », disparaîtra en 1940.

Voici une liste d’universitaires concernés (de près ou de loin) par l’enseignement de l’astronomie à la Faculté des Sciences de Montpellier (FSM) de 1810 à 1960 (ne sont indiqués que les services à la FSM) :
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* Joseph-Antoine REBOUL : chaire d’astronomie de 1810 à 1816 (portrait)

* Joseph-Diez GERGONNE : chaire d’astronomie de 1816 à 1836

* Pierre LENTHÉRIC a assuré le cours d’astronomie de 1830 à 1833

* C.J.B.L. LARCHER D’AUBANCOURT : chaire d’astronomie de 1836 à 1841. Il aurait en fait assuré l’enseignement théorique d’astronomie dès 1817 alors qu’il était professeur de Physique, Gergonne assurant la partie observationnelle.

* Benjamin VALZ est chargé du cours d’astronomie en 1836

* Jean-Nicolas LEGRAND : chaire d’astronomie de 1841 à 1868 (chargé de cours d’astronomie de 1837 à 1841) (portrait)

* Edouard Albert ROCHE* : chaire de mathématiques transcendantes de 1852 à 1883 (chargé de cours de mathématiques transcendantes de 1849 à 1852) (portrait)

* Edouard COMBESCURE : chaire d’astronomie de 1871 à 1883 (chargé de cours d’astronomie de 1863 à 1871)

* Louis SAUVAGE : chaire de mécanique rationnelle de 1883 à 1885

* Eugène FABRY (1856-1944) : chaire de mécanique rationnelle de 1888 à 1890 (chargé de cours mécanique rationnelle de 1886 à 1888) puis professeur de mathématiques pures de 1890 à 1920 (photo à la faculté des sciences de Marseille vers 1920)

* Samuel-Barthélémy-François DAUTHEVILLE : (1849-1940) chaire de mécanique rationnelle de 1890 à 1921 (professeur adjoint d’astronomie de 1886 à 1890)

* Elie-Joseph CARTAN, maître de conférences d’astronomie de 1894 à 1896 (et père d’Henri Cartan). (voir Notice de J J O’Connor et E F Robertson)

* Auguste-Victor LEBEUF : (1859-1931) maître de conférences de mathématiques-astronomie de 1898 à 1902 (puis professeur d’astronomie à Besançon)

* Adolphe BUHL : (1878-1949) maître de conférences de mathématiques-astronomie de 1903 à 1909

* Armand DENJOY : maître de conférences de mathématiques-astronomie de 1909 à 1918 (puis, 1922, professeur de mécanique céleste à la Sorbonne)

* Emile-Louis-Frédéric TURRIÈRE : chaire de mécanique rationnelle en 1921 (maître de conférences d’astronomie de 1919 à 1921)

* Pierre HUMBERT : chaire de calcul différentiel et intégral et Astronomie de 1921 à 1953

* Jacques-Lucien-Julien SOULA : chaire de calcul différentiel et intégral et Astronomie de 1954 à 1957 (maître de conférences de mathématiques-astronomie de 1921 à 1925, professeur sans chaire de 1926 à 1933, professeur à titre personnel de 1933 à 1954)

* Robert CAMPBELL : maître de conférences de mathématiques-astronomie de 1953 à 1954

* Jean-Pierre KAHANE : maître de conférences de mathématiques-astronomie de 1954 à 1957

* Marcel LEFRANC : maître de conférences de mathématiques-astronomie en 1957. Revient plus tard comme professeur de Mathématiques

* Gérard-Henri COUCHET : chaire de mécanique rationnelle de 1956 à 1960

(*) : Roche n’apparaît pas comme enseignant d’astronomie. Sa contribution au progrès de la mécanique céleste, ses 34 années d’enseignement à la faculté des sciences de Montpellier et ses actions pour le développement de l’astronomie dans sa ville et la préservation de son patrimoine le placent d’office dans la liste.

II – L’Astrophysique et la Cosmologie

Dans les années 1950, l’enseignement d’Astronomie à Montpellier était centré sur la mécanique céleste et l’astronomie fondamentale.

La France, pionnière (et héritière d’une longue tradition) dans le domaine de la mécanique céleste où elle continue à exceller de nos jours a connu un retard (par rapport aux pays anglo-saxons) au développement de l’enseignement (et de la recherche) en Astrophysique. Après des pionniers dès les années 1930 comme Daniel Barbier, Henri Mineur et Daniel Chalonge, on doit beaucoup à Evry Schatzman pour le développement cette discipline à Paris à partir de 1950. La France connaîtra ensuite un retard semblable au développement de la Cosmologie … sauf à Montpellier.

A Montpellier, c’est en 1960, à la demande du professeur Gérard-Henri COUCHET (qui y enseignait l’Astronomie Fondamentale) et avec l’approbation d’André DANJON (1890-1967) à Paris, qu’un poste de « Maître de conférences » (équivalent actuel du « professeur de 2ème classe ») d’Astrophysique a été ouvert. Il a été pourvu par Henri ANDRILLAT (1925 – 2009) qui a commencé aussitôt l’enseignement optionnel de cette discipline dans les « licences » [2] de Physique et de Mathématiques. Il a été promu « professeur sans chaire » en 1963. A sa demande un poste d’assistant a été ouvert à la rentrée de 1965 et pourvu par Francis GLEIZES.

En 1964 (ou 1965 ???) Henri ANDRILLAT a rajouté l’enseignement de la Cosmologie moderne : il s’agissait là d’une première introduction en France (au niveau licence-maîtrise ou « Bac+3, Bac+4 ») qui accompagnait, voire précédait, les premières validations observationnelles de la théorie du « Big Bang » (comme les quasars et le rayonnement de fond cosmologique). Dans les années 70, le « C4 d’Astronomie » de 225 heures incluait alors pour une moitié l’astronomie fondamentale et l’astrophysique et, pour l’autre moitié, la cosmologie. Il constituait un module optionnel pour les « maîtrises » [3] de Mathématiques et de Physique.

En 1975 (?) une « Option Astrophysique » (incluant la cosmologie) est adjointe au troisième cycle de Physique théorique

Depuis 1965 l’Astrophysique et la Cosmologie sont enseignées à la faculté des Sciences de Montpellier, devenue l’ »UFR Sciences » de l’ « Université Montpellier 2 : Sciences et Techniques du Languedoc », laquelle UFR a repris le titre de « Faculté des Sciences » en 2008. Au fil des années ces enseignements se sont diversifiés, pour s’adapter aux différents cycles et filières, en formation permanente, en actions de diffusion de la connaissance à l’extérieur de l’université,…

En préparation d’une association avec le CNRS une « Jeune Equipe » est créée au début 1985. Quatre ans plus tard c’est l’« URA 1368 » (Unité de recherche associée au CNRS) qui est labellisée. Elle devient (à la suite une réunion de cette URA, le 28 février 1990) le « GRAAL » (Groupe de Recherche en Astronomie et Astrophysique du Languedoc) avec le statut d’« UMR 5024 » (Unité Mixte de Recherche CNRS-UM2).
Le GRAAL va vivre 20 ans et fusionne le 1er janvier 2011 avec une grande partie du LPTA (Laboratoire de Physique Théorique et Astroparticules) pour former l’actuel LUPM (Laboratoire Univers et Particules de Montpellier), UMR 5299.

Ci-dessous sont présentées les listes des DEA et thèses soutenues ou encadrées au laboratoire d’Astronomie entre 1963 et 1997 ainsi que les polycopiés pour les étudiants réalisés durant cette période. Tous ces documents sont constitutifs d’un « Fonds Andrillat » déposé depuis juillet 2013 et accessible à la BIU-Sciences.

A été rajouté à ce fonds l’Hommage à Henri Andrillat édité par la présidence de l’UM2 en 2011.

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III – Les « coupoles » de l’université

NOTE : Vous pouvez visiter les principales pièces de la collection d’astronomie de l’université de Montpellier (56 sont classées « Monument historique ».

Les Travaux Pratiques d’Astronomie de la faculté des sciences (devenue Université Montpellier 2) ont eu des localisations diverses.

La tour de la Babote. Après la révolution la ville avait mis l’ancien observatoire à la disposition du professeur d’Astronomie de la toute nouvelle faculté des sciences (ainsi que le matériel saisi en 1793). Mais l’état de délabrement de ce bâtiment n’en fera qu’occasionnellement l’observatoire de la faculté des sciences durant le XIXe siècle. En 1832 la tour est affectée au télégraphe Chappe.

L’arc de triomphe. Pendant quelques mois en 1835-1836 les observations se font depuis un abri à toit tournant construit par la faculté sur la porte du Peyrou. Mais les protestations de la population l’ont fait démonter aussitôt l’enseignement terminé.

La cathédrale saint-Pierre En 1837, après plusieurs hébergements provisoires, la faculté des Sciences s’installe à l’hôtel Plantade à « deux » pas de la cathédrale. La tour-clocher de l’édifice sert alors aux observations pendant une assez longue période, notamment pour celles des protubérances solaires lors de l’éclipse totale de soleil de 1842. (Le jeune Édouard Roche participe à cette observation mémorable dirigée par l’abbé Peytal).

Différentes tours et terrasses de la ville ont été également utilisées durant ces années. (On peut remarquer que si le clocher de la cathédrale n’était qu’à deux (cents) pas de la faculté … il restait ensuite deux cents marches (et bien peu amènes) pour y monter… avec le matériel d’observation)

À nouveau la tour de la Babote En 1855, avec l’enlèvement du télégraphe Chappe, les observations peuvent reprendre sur la terrasse.

La coupole du jardin des Plantes Après l’occasion manquée en 1862 de la création du grand observatoire voulu par Le Verrier c’est en 1879 qu’est érigée cette coupole dotée (par un legs conséquent du professeur d’astronomie Legrand) d’un télescope de Foucault de très grande qualité.

La cabane du rectorat En 1890 la faculté des sciences déménage à la rue de l’université (l’actuel rectorat). Une « cabane » y est construite sur la terrasse de l’Institut de Mathématiques pour abriter une lunette astronomique Cette cabane est (pour des raisons diverses) plus facile d’accès que la coupole du jardin des plantes mais les deux lieux accueillent vraisemblablement des TP jusqu’au milieu du XXe siècle.

L’OUM2 (Observatoire de l ’UM2) Lors de déplacement en 1963 de la faculté des sciences et de son laboratoire d’Astronomie depuis le centre ville vers le campus actuel du triolet, c’est un observatoire, avec deux coupoles munies d’instruments modernes (télescope de 50 cm et spectrographe, télescope de Schmidt, coronographe, …) et des dépendances adaptées (bureau, labo photo, ateliers) qui est bâti sur la terrasse au 5ème étage du bâtiment de Physique.

Durant une dizaine d’années ces coupoles ont été utilisées pour l’enseignement (TP) et la recherche (DEA, thèses). Vers la fin des années 1970 leur usage s’est progressivement recentré sur les travaux pratiques des étudiants inscrits dans divers modules d’astronomie.

Une première modernisation de la coupole ouest a été faite en 1995 avec le remplacement du récepteur photographique par une caméra CCD refroidie, construite au laboratoire, au foyer du spectrographe. Une refonte complète de la motorisation du télescope de 50 cm et de l’électronique de refroidissement et d’acquisition du CCD a été menée à bien et inaugurée le 10 mars 2006.

En 2009, Année Mondiale de l’Astronomie, les trappes des deux coupoles ont été remplacées et motorisées et la monture équatoriale de la coupole est modifiée en pilotage numérique et pointage automatique.

En voici quelques images :

 

IV Le patrimoine astronomique de l’université de Montpellier

Un texte en anglais (bien que le titre en soit « De Astronomicis Instrumentis in Universitate Monspeliensi« ) extrait des proceedings des journées de la SF2A 2013 est disponible

 

 


[1Les informations rassemblées dans les parties I et III sont essentiellement extraites des ouvrages de :

* Édouard ROCHE « Notice sur l’Observatoire de l’ancienne société des sciences de Montpellier » (1881, Mémoires de l’Académie des Sciences de Montpellier)

* Pierre HUMBERT « L’aube des observations astronomiques à Montpellier », 1940, Monspeliensia tome II, fascicule III

* Louis DULIEU « La faculté des Sciences de Montpellier » aux Presses universelles (1981)

* Jean-Michel FAIDIT « L’Observatoire de la Babote » (1986, ISBN 2-9501264-0-5)

* Jean-Michel FAIDIT « Les « amateurs de sciences » d’une province et le ciel au XVIIIe siècle : Astronomie et Astronomes en Languedoc : approche d’histoire des sciences ». Thèse de l’université Montpellier III , 1993

* Jean-Michel FAIDIT « Le pavillon d’astronomie du jardin des plantes » (2001, ISBN 2-9516194-0-5)

* Jean-Michel FAIDIT « Limites et lobes de Roche » (2007, ISBN 978-2-7117-4017-8)

* Jean-Michel FAIDIT et Jean-Gabriel FOUCHE « La Société Astronomique Flammarion de Montpellier (fondée en 1902à et la tour de la Babote » (2007, ISBN 2-9516194-2-1)

On trouvera des renseignements complémentaires sur le site de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier : l’historique, les membres de l’ancienne société royale ainsi que les sièges et titulaires depuis 1848.

[2Avant 1967 la « licence » de Physique se préparait en deux ans et était alors constituée de 4 modules obligatoires (Techniques Mathématiques de la Physique, Electricité, Optique et Thermodynamique-mécanique) et d’au moins deux modules optionnels et semestriels : (Electronique, Electrotechnique, Astronomie, Mécanique générale). Un système semblable existait pour la « licence » de Math.

[3les « maîtrises » apparaissent en 1967 (ou 1968 ?) . A partir de là, licence et maîtrise se préparent chacune en un an et correspondraient aux première et deuxième années des anciennes licences mais cette réforme est en corrélation avec celle du premier cycle ou l’ancienne « propédeutique » (préparée normalement en un an) est devenue le DEUG (deux ans).